L’art d’avoir toujours raison (sur les marchés)

Ce samedi, nous étions sur le marché d’Annecy dont la fréquentation n’est guère populaire dans ce centre-ville qui a placé Macron en tête du premier tour. Nous disposions donc d’un public instruit et cultivé, adepte d’agriculture biologique et de cuisine du monde, de néo-libéralisme et d’ouverture des frontières, prêt à nous démontrer toute l’ineptie de nos propositions politiques. Cela donne lieu à des petits échanges qui constituent un bon entraînement à la rhétorique et à l’art d’avoir toujours raison comme disait ce bon vieux Schopenhauer. Morceaux choisis :

– Vos propositions économiques sont mauvaises. Tous les experts le disent : si elles sont appliquées, le pays court à la ruine.
– Eh bien vos experts n’ont pas l’air tellement experts car la situation ne cesse de s’aggraver. Je ne suis pas économiste. J’ai une formation scientifique. Quand on fait une expérience, on regarde le résultat. Et si le résultat est mauvais, on remet en cause la théorie et non l’inverse. Cela fait quarante ans que nous expérimentons la théorie économique de vos soi-disant experts et c’est de pire en pire. Il est temps d’essayer autre chose.

– Le problème, c’est que dans votre parti il y a quand même beaucoup de haine.
– Mais, Madame, il y a des gens haineux dans tous les partis. La haine n’est pas une idéologie mais un sentiment humain.
– Oui mais, quand même, j’ai l’impression qu’il y en a plus chez vous.
– Vous avez raison Madame. D’ailleurs, je vous conseille de ne pas rester sur ce marché car dans dix minutes je vais chercher le camion que j’ai garé un peu plus loin et je prends cette allée en enfilade.
– Oh non. Ce n’est pas ce que je veux dire.
– Vous voulez parler des « dérapages » ? Moi, tout ce que je vois, c’est qu’on nous reproche des phrases et des mots en l’air, alors qu’en face il y a des massacres de masse.

– Vous pensez que votre candidate a les mains propres mais, dans votre parti, il y a autant d’affaires que chez les autres et je vais vous le démontrer…
– C’est inutile Monsieur. Je ne vote pas en fonction des affaires mais à cause de la guerre civile qui s’annonce.
– Euh… Et vous pensez pouvoir l’éviter ?
– Nous voulons surtout la gagner.