Bal tragique à Charlie hebdo
(Le titre fait référence à une célèbre couverture de Hara-Kiri, ancêtre de Charlie hebdo.)
Je ne vais pas vous faire croire que j’appréciais beaucoup l’humour de Charlie hebdo ni que j’avais une grande estime pour les humoristes de ce journal. Je ne suis pas un hypocrite. Mais j’ai quand même été choqué par l’annonce de la fusillade et ses victimes : Cabu, Wolinski ne sont pas des anonymes, on connaît leur visage, leurs dessins, leurs idées.
Ce n’est pas seulement un journal qui disparaît, c’est aussi une époque : celle de la deuxième moitié du 20ème siècle. Charlie hebdo représentait bien cette période où l’on vivait dans le souvenir de la deuxième guerre mondiale – le devoir de mémoire – sans se rendre compte que le monde était en train d’évoluer. Les méchants, c’était ceux qui représentaient l’ordre traditionnel : les nationalistes, les catholiques, le Front national, l’armée, les patrons, toutes cibles favorites du journal satirique de gauche. Les gentils, c’était tous les autres, quelles que soient la race, l’origine, la religion, l’orientation sexuelle. La figure emblématique du bien, c’était l’immigré, le jeune beur sympa victime du racisme des Dupont-Lajoie. C’était le monde des bisounours.
Comme beaucoup d’autres – intellectuels, artistes, politiques – Charlie hebdo vivait dans ce monde artificiel sans se rendre compte que le jeune beur n’était pas toujours sympa, qu’il pouvait porter la barbe et le fusil d’assaut. Charlie hebdo est mort en se trompant d’ennemi. C’est une bien triste mort. Nous, au moins, nous savons contre qui nous combattons.